Deux étés avec Cléo

Prendre soin d’elle comme je prends soin du romarin.

Ce texte accompagnait initialement un cadeau que j’ai offert aux artistes lors de notre première journée de réflexion collective à la Maison Rodolphe Duguay. Nous le partageons aujourd’hui avec vous.

Premier été

La culture et la cueillette des plantes aromatiques et médicinales ont toujours été pour moi un lieu de refuge. Le potager également.

La collecte minutieuse des têtes de camomille feutre mon impatience.

L’abondance de l’achillée millefeuille attise ma reconnaissance

La résine d’épinette vivifie mes journées plus mornes

L’abrasion des épines de groseille me rapproche de mon propre corps.




Avant même leur consommation, c’est le soin que je m’accorde à prendre soin des végétaux qui me fait du bien.

Cléo est née au mois de mai, avec la floraison des grands pommiers ancestraux qui vivent avec nous sur le terrain familial, derrière notre petite maison jaune. Pendant mon premier été en tant que nouvelle maman, j’ai souvent amputé mes nuits de sommeil, passé un repas par manque de temps ou oublié de répondre à mes proches par état de surcharge mentale.


En revanche, je n’ai que très rarement manquer le désherbage du jardin. J’ai arrosé les fines herbes assidument et surveillé le murissement du poivre des dunes avec précaution. Les moments passés avec mes comparses végétales, j’acceptais volontiers de les partager avec ma fille ou mon amoureux si le cœur m’en disait, mais je refusais de les négliger.


Une pause, une vraie pause.
Une priorité.
Un temps d’arrêt.
Une zone de non-compromis

Pour mieux comprendre et accepter que les saisons ne seront plus jamais les mêmes...

 

Puis, l’automne est arrivé,
j’ai fait le deuil de l’été
et j’ai dit adieu aux parts de moi-même qui n’existeront plus jamais de la même façon.

Une fois le froid bien installé,
Nous avons regardé les fleurs faner
Et les vivaces entrer en dormance

Nous nous sommes rappelés

Qu’il sera encore possible de sortir les chrysanthèmes séchés,
D’infuser les petits pots d’aromates
De garnir nos plats des épices soigneusement préservées

Et surtout, qu’il restera toujours les bouquets de conifères.

D’ici l’arrivée du prochain printemps.



Deuxième été

« Maman ! », « papa ! », « chien ! », « fleur ! »

« Fleur ! » Je ne sais plus exactement dans quel ordre ses premiers mots ont été prononcés, mais ils reflétaient avec beaucoup de justesse notre quotidien passé à Saint-Norbert-d’Arthabaska.

Chaque matin ;
déjeuner avec papa,
réveiller maman,
faire courir Lupin et lui lancer la balle,


Puis, dépendamment de la saison ;

cueillir les fraises,
grappiller les framboises,
découvrir l’amertume des cassis.

vérifier l’état des semis,
mettre les nouvelles pousses sous tunnels,
se laisser surprendre par la grosseur des plants d’ail.

composer un bouquet, goûter la terre,
casser quelques plants au potager,
déshabiller les cerises de terre

s’assoir sur les courges
offrir en cachette le fruit des récoltes au chien,
chaque fois que maman a le dos tourné.

Réaliser que les pétales de calendulas font d’excellents confettis.

Tout ça, avant la première sieste, celle de 10h.


« Maman ! », « papa ! », « chien ! », « fleur ! » Le plus bel été de ma vie. Le plus difficile aussi.

En ce mois de septembre qui débute, Cléo ne fait plus qu’une sieste par jour. Elle a commencé la garderie et nos habitudes matinales estivales ont laissé place aux processus de conservation et de stockage automnaux.

Séchage
Cannage
Macération
Infusion
Fermentation
Congélation

Les actions répétitives que requièrent ces méthodes ancestrales sont pour moi un rituel.

Les moments de méditation qu’elles exhortent me permettent de réaliser que la relation d’interdépendance et de collaboration que j’entretiens avec les mondes végétaux guide mon expérience de la maternité.

J’aspire à prendre soin de Cléo comme je prends soin du romarin
en cultivant la douceur, la patience, le lâcher-prise et la lenteur,
dans l’écoute attentive de la nature cyclique de nos êtres
en toute humilité pour ce que je ne perçois ou ne comprends pas
avec le souci d’écrire des récits de subsistance justes et solidaires


Prendre soin de Cléo comme je prends soin du romarin…

Après tout, j’ai bien plus d’expérience avec le Salvia rosmarinus qu’avec les bébés…
Prendre soin. Du geste botanique au geste maternel ?


Puisque nous sommes tous partie intégrante du même écosystème, le faire avec bienveillance pour les êtres autres qu’humains avec qui nous cohabitons.

Aujourd’hui,
Pour propager ce bien-être que me procure l’univers du végétal,
Pour partager avec vous cette partie intime de moi-même,
Pour rendre plus tangible cette mère qui habite en moi,
Pour vous dire merci, surtout…



J'avais envie de transposer ce geste de soin vers vous. Voici donc un mélange à infuser de plantes aromatiques soigneusement choisies pour incarner les parts de vous qui m’impressionne. Les couleurs, les odeurs, les textures et les goûts scandent vos noms.

 
 
 
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1. Un peu d’histoire, un peu de contexte